Invité du Festival Premiers Plans, le comédien emblématique du cinéaste Leos Carax incarne le docteur Destouches alias Céline. Avec ses tics, ses airs de vieux bouffon aigri, sa démarche cahotante, il est prodigieux. Sur le plateau, Lavant fait entendre la langue puissante, charnue de ce grand auteur misanthrope, aux idées souvent inacceptables.
30 juin 1961 : Céline écrit à son éditeur Gaston Gallimard. Il meurt le dimanche 1er juillet. Sa dernière lettre est restée sur son bureau de Meudon. Le metteur en scène Ivan Morane a imaginé les dernières heures de la vie du Docteur Destouches, allongé sur son lit. Conscient, lucide, ça, on le sait par les témoignages de sa femme Lucette. Mais, dans sa tête, où en est-il quelques heures avant de mourir, que pense-t-il ?
Emile Brami a composé une broderie de textes issus à 90% de la correspondance de Céline sans y ajouter un seul mot. Il a trouvé, dans les milliers de lettres envoyées et retrouvées, ce qu’il y a de plus pertinent, de plus terrible, de plus injuste, de plus lucide, concernant le rapport que l’auteur du Voyage au bout de la nuit entretenait avec l’écriture. Les lettres sélectionnées concernent surtout son art poétique : les pages sur Gide, Sartre, Cendras, Genet, sont d’un humour admirable.
C’est Denis Lavant, grand acteur à la présence singulière, à la voix magnétique, qui donne corps aux mots de Céline. Il fait résonner toutes les harmoniques de la musique célinienne, où séduction et abjection s’accordent. « J’ai en moi mille pages de cauchemar en réserve » avait prévenu Céline dés 1931.
Bien dirigé, Denis Lavant montre superbement la progression de sa haine des Français et sa dévotion immuable pour le français, son travail harassant pour « faire jouir la langue » en la faisant passer de l’oral à l’écrit.
La presse
Avec ses tics, sa démarche cahotante, son rythme haletant, son dos presque bossu et ses airs de vieux bouffon, Denis Lavant est prodigieux en docteur Destouches, alias Céline. Il trouve un chemin, pourtant pas facile, entre le personnage acariâtre, misanthrope, antisémite et antipathique qu’il fut, et l’écrivain génial accomplissant un travail harassant pour "faire jouir la langue" en la faisant passer de l’oral à l’écrit. Emile Brami a constitué un montage de textes, tous de Céline, qui fonctionne très bien. On rit des vociférations de l’écrivain contre la bêtise humaine, de sa mauvaise foi dans ses prises de position. Le spectacle est un grand moment de plaisir qui permet d’appréhender le projet de cet auteur pour qui "faire sentir est plus important que raconter".
[/Sylviane Bernard-Gresh.Télérama/]
Générique
- Avec Denis Lavant
- Émile Brami a composé le spectacle à partir des correspondances de Louis Ferdinand Céline
- Lumières Nicolas Simonin
- décor et costumes Émilie Jouve
- Production Compagnie Ivan Morane
- Production déléguée Association Réalités
- Avec l’autorisation des Éditions Gallimard
- Avec le soutien de la Région Midi-Pyrénées
Date
- Du mercredi 23 au vendredi 25 janvier 2013 / T400
- mercredi, jeudi et vendredi à 19h30